Ethos ou Mythos ? L’histoire implicite du sublime moderne chez Woolf
Résumé
On considère que l'esthétique du roman chez Woolf - rassemblée selon elle dans les "moments de vision" et la révélation du personnage - provient du discours romantique sur le tempérament artistique, l'imagination et la diction poétique. Ses essais permettent cependant de comprendre pourquoi elle considère les termes du discours critique - 'art', forme', 'personnage' - totalement inutiles dans le domaine de la fiction. Woolf insiste sur le fait que ne peut être considéré comme oeuvre d'art qu'un roman qui soit repensé seulement comme le résultat d'un affect esthétique. Elle se rend compte, cependant, que l'esthétisation de la fiction requiert une récapitulation complète de l'histoire critique afin d'ajuster ses termes au roman. Quels sont alors les éléments pré-romantiques dans l'esthétique du roman chez Woolf? On peut les mettre à jour en juxtaposant sa version de l'affectivisme formel avec d'autres théories affectivistes, antérieures, liées au sublime (tel que le pensent Burke et Longin) et en-deçà avec l'accent aristotélicien sur la forme théâtrale. En le situant dans un contexte plus général, on peut dire que le "sublime moderne" de Woolf transcende l'opposition entre l'esthétique classique (aristotélicienne) et romantique (longinienne). Mais ce croisement de deux traditions, unique chez elle, implique un déplacement théorique : l'ethos, la révélation du personnage, remplace le mythos d'Aristote. Ce glissement qu'opère le discours - ou adaptation tacite de la Poétique au roman moderniste- souligne les efforts de Woolf pour assurer " à l'art le plus jeune et le plus vigoureux" la place qui lui revient dans l'histoire critique.