Dr Jekyll and Mr Hyde : une scène d’écriture à deux mains

Richard Pedot

Université Paris Ouest Nanterre

  1. Malgré les apparences, mon titre n’est pas censé laisser entendre que psychanalyse et déconstruction1 seraient l'un pour l'autre Jekyll ou Hyde. Encore que, bien sûr, un tel déni en ouverture mériterait d’être interrogé, d’autant que j’ai commencé mon propos par un écho à l’introduction également dénégatrice de « La Scène de l’écriture » : « Malgré les apparences, la déconstruction du logocentrisme n’est pas une psychanalyse de la philosophie2. » Il est plaisant, en effet, que ce soit après une longue scène (une grande leçon ?) d’écriture faite à Freud ou à quelques-uns de ses textes que Derrida remarque « Freud nous a fait la scène de l’écriture3 » — sur laquelle s’entrevoit « l’au-delà et l’en-deçà de la clôture que l’on peut appeler “platonicienne”4 ». Écriture à deux mains, pourrait-on dire. Mais ce n’est pas celle-ci sur laquelle je vais me pencher prioritairement, n’y touchant toujours que par rebonds ou dédoublements successifs. C’est une autre scène d’écriture que je commenterai et qui est le point de départ — je n’ai pas dit d’origine — des réflexions qui suivent, scène à laquelle la première ou les deux premières sont mêlées.

  2. Cette scène « littéraire » paraît pouvoir se circonscrire aux deux personnages éponymes du roman de Stevenson ainsi qu’à son dernier chapitre et on croirait tout autant qu’elle peut se défaire aisément tant les deux mains qui s’y produisent sont opposées : « main de praticien », « grande, ferme, blanche et bien faite » pour Henry Jekyll ; tout à l'opposé de la main « maigre, noueuse, osseuse, grisâtre et obscurcie par une touffe épaisse de poils noirs » (88/126)5 d'Edward Hyde. Nous verrons ce qu’il en est de ce partage trop évident, largement consacré par le mythe qu’est devenu le récit stevensonien, ainsi que du trouble que vient y jeter l’écriture. Il s’agira de retrouver dans Dr Jekyll and Mr Hyde la scène d’écriture refoulée par le mythe métaphysique, ce qui revient en partie à soulever les enjeux du récit tels qu’ils se dessinent aussi entre Derrida et Freud à partir de « La Scène de l’écriture » ; — dit autrement encore, nous chercherons à faire sentir par l’exemple d’une lecture ce qu’une déconstruction de la psychanalyse peut apporter à l’analyse littéraire.

L’étrange étude de cas

  1. Commençons naïvement par nous demander quels sont les arguments en faveur (« the case for ») d’un rapprochement de la psychanalyse et de Jekyll and Hyde. Remarquons bien qu’il ne s’agit pas de savoir si la psychanalyse a par rapport à cette œuvre un droit de visite, si la critique psychanalytique a quelque légitimité ou non à forcer la porte du laboratoire du bon docteur Jekyll. Tenant ici la réponse pour acquise, je m’intéresse moins à l’argument de la psychanalyse quant à ce roman qu’à l’argument de la psychanalyse « dans » celui-ci — avant que celle-ci n’émerge comme telle, quelques années après la publication de Jekyll and Hyde (1886).

  2. The Strange Case of Dr Jekyll and Mr Hyde appelle aisément des commentaires de type psychanalytique qui touchent à la psyché, parfois de manière simpliste, et cela en raison de la nature même de son intrigue et de ses thèmes (rêves, dualité, pulsions, …). D’aucuns alors d’acclamer, nachträglich, un précurseur littéraire de la psychanalyse6. Un de plus. Et cela ne nous avance guère, car il est toujours difficile de désenchevêtrer ce qui vient de l’après-coup interprétatif de ce qui vient de l’avant-coup littéraire. C’est pour cela qu’il est toujours plus intéressant de considérer l’argument psychanalytique dans l’œuvre, à condition de ne pas céder à la métaphorique de cette intériorité introuvable, le dedans de l’œuvre.

  3. Beaucoup de parallèles ont déjà été relevés entre le roman de Stevenson et les idées et événements de l’époque de sa composition. L’auteur lui-même, par ses lectures, ses activités et ses fréquentations, s’intéressait aux théories psychologiques et psychiatriques de son époque. De là à souligner une certaine parenté avec une étude de cas, il n’y a qu’un pas, franchi le plus souvent pour insister sur l’aspect parodique de l’imitation, qui mène le réalisme diagnostique dans les parages du gothique.

  4. Structurellement, le roman, pourrait-on dire, débute par l’exposition des symptômes qui restent énigmatiques aux yeux de tous (récit à la troisième personne de tous les événements liés à ce mystérieux Mr Hyde, tels qu’ils affectent, entre autres, le comportement du Dr Jekyll). Il se termine par deux chapitres, deux textes testamentaires (à la première personne) de la main de deux médecins aux conceptions scientifiques complètement opposées — comme si le diagnostic devait bégayer. Dans sa lettre, le docteur Lanyon ne fait que constater la dualité Hyde/Jekyll et sa science ne peut que céder devant l’horreur du fait sans pouvoir l’expliquer. Il revient ensuite ironiquement au deuxième médecin, qui n’est autre que le patient, de proposer lui-même une explication sans reste de son cas (un « full statement of the case », selon le titre de ce dernier chapitre).

  5. L’ironie est sensible dès ce niveau de lecture, en fait à partir du titre du roman, avec l’adjonction de l’adjectif strange, dont l’effet est de faire émerger le sensationnalisme souvent associé à l’idée de case ou — c’est la même chose —  l’ambivalence du même terme, qui signifie à la fois affaire judiciaire ou policière, scandale, ou encore cas médical. L’usage du mot par Stevenson est un reflet de son importance dans la presse de l’époque, comme l’indique également le fait que l’auteur se soit inspiré pour construire son roman de récits de cas dont il a pu prendre connaissance dans des revues grand public ou médicales, anglaises et françaises7.

  6. C’est à ce niveau que l’on comprend déjà que lire The Strange Case of Dr. Jekyll and Mr. Hyde comme une version romancée du dédoublement de la personnalité, c’est oublier le travail d’écriture qui va exactement en sens inverse. Le roman de Stevenson complique les récits de cas concernant les personnalités multiples8, jouant avec l’illusion qu’un récit réaliste (a full statement) de ces cas soit possible. Lorsque Vivian, le héros d’Oscar Wilde dans « Le Déclin du mensonge », remarque que la transformation de Jekyll ressemble dangereusement à un compte rendu d’expérience dans The Lancet, il souligne quelque chose d’essentiel (l’arrière-plan culturel et scientifique) tout en se trompant de manière flagrante sur le diagnostic : il n’y a dans cette œuvre aucun penchant au mimétisme, ni aucun péril de ce côté.

  7. L’intérêt de Stevenson pour la psychologie, les rêves, la télépathie, l’enfance9, ainsi que ses relations scientifiques (il était l’ami de James Sully et de Frederic Myers et correspondait avec Pierre Janet), tout cela a sans nul doute contribué à l’invention de Jekyll et Hyde, de même qu’aux choix narratifs, et montre que l’auteur baignait dans un climat intellectuel qui n’était pas éloigné de celui de Freud. Pour Michael Davis, Jekyll and Hyde participe des débats de l’époque autour des modèles psychologiques, ce dont le destin du laboratoire de Jekyll témoigne. Ses deux noms (« laboratory » ou « dissecting rooms » — salle d’anatomie) révèlent les intérêts divergents de l’ancien propriétaire, un chirurgien, et du nouveau dont les goûts le portent plus vers la chimie que vers l’anatomie, c’est-à-dire, sont « centrés sur les phénomènes et les énergies du monde extérieur autant que du moi, plutôt que sur les formes corporelles statiques10 ». Ce penchant vers les modèles énergétiques plutôt qu’anatomiques (on songe à Lombroso) se retrouve aussi dans l’opposition au docteur Lanyon, pour qui ces recherches sont des hérésies. On perçoit mieux l’élément parodique dans l’écriture de Stevenson qui, selon un critique, en imitant l’étude de cas et l’insérant dans un récit gothique, « met à nu les limitations de la prose scientifique » lorsqu’il s’agit de saisir des phénomènes « impossibles à relater en des termes purement empiriques11 ». Le dédoublement de Jekyll se lirait alors également comme un combat « pour maintenir une objectivité scientifique face à une terrifiante réalité subjective qui menace de le submerger12 ».

  8. On aura noté un intéressant effet de lecture qui fait que les termes des commentaires reprennent la structure duelle de l’intrigue et en renforcent le binarisme apparent. L’objection est que, si pertinente que soit la référence aux disputes intellectuelles de l’époque, elle ne réduit pas le jeu de la différance, c’est-à-dire les jeux d’écriture de la fiction. Il est par exemple loin d’être insignifiant que le laboratoire soit habituellement désigné sous ce nom ou presque aussi souvent sous celui de theatre (en contexte : amphithéâtre ; mais de façon générale : théâtre). Le terme signifie la place de l’écriture romanesque (la scénographie, la théâtralisation) et celle, liée, d’un personnage qui tient un rôle fondamental dans l’intrigue et dans son interprétation : Utterson, notaire et ami de Jekyll.

  9. C’est le premier protagoniste à apparaître, introduit dès le premier paragraphe où il est insisté — détail anodin ? — sur son caractère austère et son goût pour la mortification, illustré entre autres choses par le fait que « bien qu’il appréciât le théâtre [theatre], il n’avait pas franchi le seuil d’un seul ces vingt dernières années » — un tel contrôle de la compulsion de répétition laisse rêveur. Or il se trouve qu’il franchira à plusieurs reprises la porte du laboratoire (theatre) de Jekyll et que l’histoire (non le roman) s’achève après qu’il l’a fermée pour reprendre le chemin de son domicile afin de lire les deux textes testamentaires mentionnés plus haut, à lui destinés. L’étrange affaire / cas ressemble alors à une mise en scène à son usage. Le notaire est, comparé à Jekyll, une image adoucie mais non moins puissante du refoulement puritain13 mais également — et c’est au moins aussi intéressant — un double du lecteur, et cela sous l’angle de la curiosité14.

  10. De fait, le refoulement du plaisir (les bons vins, le théâtre) va de pair avec celui de la curiosité. Cependant, comme cela est souligné à l’occasion, mortifier celle-ci « est une chose, c’en est une autre de la vaincre » (59/97) et le notaire est agi par le désir de savoir et de voir. Il n’est donc pas simplement un lecteur passif d’une énigme qu'il ne peut sonder, c’est un lecteur qui ne tient pas en place et finira, après bien des réticences, par briser la porte qui le sépare du mystère, pour entrer enfin en scène (la hache pour ce faire se trouve bizarrement dans l’amphithéâtre…). Qu’il emploie à cette fin des « moyens déloyaux » (foul means) signale une lecture par effraction, comme une écriture d’autant plus violente qu’elle a été longtemps maintenue en position de lecture15.

  11. Cette scène de lecture et d’écriture, de transfert et contre-transfert presque, ne peut être oubliée au profit de celle que se font deux visions scientifiques, et cela reste vrai lorsque c’est Jekyll qui est le sujet et l’objet de l’expérience scientifique. En effet, il est séduisant d’évoquer le conflit entre objectivité et subjectivité en la personne de Jekyll mais la « terrifiante réalité subjective » est avant toute chose l’expérience du langage et de l’écriture, comme nous allons le voir, et cette expérience, par définition, déborde les limites de l’individu circonscrit par son nom et sa fonction.

  12. De plus, l’écriture elle-même est dédoublée. Quant à celle du roman, si l’on peut évoquer une parodie (littéraire) du discours scientifique fin-de-siècle, il est également loisible de suggérer, comme Jacqueline Carroy, qu’à l’époque de la psychologie physiologique et pathologique naissante, le conte de Stevenson « reprend en style scientifique toute une littérature magnétiste et spirite, qui hante, si l’on ose dire, les esprits16 ». Littérature ici ne s’entend pas uniquement au sens d’ensemble de productions intellectuelles sur le sujet, tant le discours psychologique peut se trouver pris dans une forme de littérature, les scientifiques (tel Alfred Binet17, en France) pouvant se révéler des « Mr. Hyde » littéraires.

  13. La scène d’écriture que je vais maintenant commenter est marquante en raison des dédoublements qu’elle met en jeu. Curieusement, elle est rarement perçue comme telle, le dédoublement étant habituellement rapporté au personnage principal qui se livre sur cette scène, pourrait-on dire.

Scène(s) d’écriture

  1. Il y a une forme de précipitation dans le privilège accordé au récit de Jekyll, au détriment de la dimension de l’écriture, réduite au profit d’une série d’oppositions connues et d’une intrigue linéaire qui va valoir pour l’ensemble du roman. Cette hâte se traduit par l’illusion de parvenir enfin (en fin) à la découverte du contenu latent de toute l'histoire, exposée sans reste — illusion qui aura animé le notaire depuis le début et qui l’accompagne encore lorsqu’il rentre chez lui, après le dernier acte de la pièce jouée pour lui :

Ils sortirent, fermant à clef la porte de l’amphithéâtre [theatre] derrière eux et Utterson, laissant une fois de plus les serviteurs assemblés autour du feu dans le vestibule, reprit d’un pas traînant le chemin de son étude afin de lire les deux récits [celui de Lanyon et celui de Jekyll] dans lesquels ce mystère allait désormais être élucidé [explained]. (73/108)

  1. À croire que l’étrange cas pourrait céder devant l’exposé intégral, purement transitif, des faits. C’est ne pas percevoir non plus que statement est un anagramme de testament, qui évoque une forme d’écriture singulière aussi bien que la singularité de l’écriture, qui suppose signature et contre-signature et dissémine l’identité qu’elle est censée confirmer, surtout si quelque chose comme une « confession » (72/107) doit avoir lieu. Est également troublée en l’occurrence la position du lecteur, ici énonciateur (Utterson)18 par destination, qui opère hors champ — à l’étude où la lecture est censée s’effectuer — mais non hors texte car le texte, on pourrait le montrer longuement, lui aura toujours déjà assigné la place du contre-signataire19.

  2. Négligeons cela un instant, oublions que cet écrit qui compose le dernier chapitre du roman est entre les mains du lecteur Utterson, ami, notaire et… légataire de Jekyll. Le texte se présente donc comme une révélation ou une confession longtemps attendue et ce qui est révélé est la duplicité du docteur Jekyll, sa stratégie pour laisser libre cours à ses pulsions (non spécifiées), le combat de plus en plus difficile avec la conscience morale qui conduit à la prise de décision finale : « Ici donc, comme [as] je pose la plume et m’apprête à sceller [proceed to seal up] ma confession, je mets fin à la vie de ce malheureux Henry Jekyll. » (97/138)

  3. Le schéma révélé est assez simple : il va de la manifestation de l’hybris du héros à la nemesis (souffrance, puis mort) et à l’anagnorisis qui est à la fois l’objet de l’écrit de Jekyll et l’écrit même. Le rideau levé sur le mystère peut donc retomber, mais pas aussi paisiblement qu’on voudrait le croire. À ce moment de résolution — toute dernière phrase et de la confession et du roman —, nombre de problèmes restent en suspens. Qui dit / est « je » ? Jekyll ? Par quel sursaut Jekyll (le je-qui-tue, le tue-je, la dépouille (hide) du je) triompherait-il à la dernière minute ? Et qui donc met fin à ses jours ? Si je dispose de Jekyll, malheureux ou non, je n’est pas Jekyll, je peut être Hyde, le double d’un double, c’est-à-dire, à tout le moins : je / Jekyll / Hyde ou toute combinaison des trois termes de l'équation. Nous y regarderons de plus près en abordant les enjeux pronominaux du texte, mais signalons encore une chose : le statut exorbitant de l’écriture, qui autorise tous ces dédoublements et qui a partie liée avec la mort.

  4. Qu’est-ce qui serait le plus scandaleux, à supposer qu’on puisse trancher entre deux hypothèses, deux interprétations de « comme » (as) ? Que la plume soit posée en même temps que la vie est ôtée ou que la poser soit l’équivalent de donner la mort, l’écriture semble dotée d’un singulier pouvoir. Ne prenons pas cela cependant pour un renversement intégral de l’opposition parole / écriture où la dernière serait du côté de la vie. Si l’on tient au terme, il s’agirait plutôt de ce renversement indissociable d’un maintien sous rature des concepts concernés par ce que Derrida appelle justement une « écriture bifide20 ». D’un côté, l’écriture maintient « Jekyll » en vie mais cela signifie qu’il y survit en quelque manière. Elle est bien de nature testamentaire, et pas seulement parce que le texte est adressé à un légataire : « voici venue l’heure de ma véritable mort, et la suite concerne un autre que moi » (97/138).

  5. D’une part, l’écriture survit à sa disparition puisqu’on écrit alors qu’on pose la plume (« Ici donc, comme je pose la plume »). Même chose pour le scripteur, mort au moment d’écrire. D’autre part, la mort elle-même, non représentée, irreprésentable (autant que Hyde), n’aura d’autre équivalent que cette écriture suspendue, en son suspens. Mieux, si fin de l’écriture et mort coïncident, alors mettre les scellés à la première et arrêter la dissémination est impossible, c’est un processus [process, même racine que proceed] toujours différé. À cet égard, l’écriture est comparable à l’inconscient selon Freud : elle ne croit pas à sa propre mort21, qui la traverse pourtant de part en part.

  6. Ce processus de suspens, d’inscription/disparition résonne avec le propos de Derrida qui dit : « Les traces ne produisent donc l’espace de leur inscription qu’en se donnant la période de leur effacement22. » Il peut également être rapproché du schéma de l’appareil psychique de la « Note sur le “Bloc-notes magique” » — objet du commentaire derridien —, et en particulier de son dernier paragraphe où Freud, selon ses mots, pousse un peu plus loin la comparaison :

Si l’on imagine qu’une main détache périodiquement du tableau de cire la feuille recouvrante pendant qu’une autre écrit sur la surface du bloc-notes magique, on aura là une figuration sensible de la manière dont je voulais me représenter la fonction de notre appareil perceptif psychique23.

  1. En l’occurrence, Jekyll and Hyde présente une version sophistiquée de l’écriture bifide que l’analogie du bloc magique tente de figurer. C’est ce dont on a l’intuition dans la courte phrase de conclusion, au niveau de la syntaxe subjective (le jeu du je et du nom propre) et de la syntaxe narrative (le jeu d’un temps qui est plutôt celui de l’inconscient où a déjà eu lieu ce qui va avoir lieu — « Jekyll » est mort, deux chapitres auparavant, la plume est déjà posée — et où ce qui a lieu n’aura pas lieu — l’écriture est suspendue, indéfiniment). Nous reviendrons dans un instant sur ce tissage rapporté à l’ensemble du roman, mais tournons d’abord vers une version plus théâtrale du dédoublement proposé par l’analogie freudienne.

  2. À propos de Freud, Derrida conclut : « Donc Freud nous fait la scène de l’écriture. Comme tous ceux qui écrivent. Et comme tous ceux qui savent écrire, il a laissé la scène se dédoubler, se répéter et se dénoncer elle-même dans la scène24. » Stevenson, on s’en doute, fait de même, avec le brio d’un écrivain sûr de ses effets théâtraux. Fait intéressant, Jekyll mentionne peu avant sa conclusion les mauvais tours que Hyde, frustré d’être prisonnier, lui joue : d’où, écrit-il, « les farces simiesques qu’il me faisait sans cesse, gribouillant de ma main des blasphèmes en marge de mes livres, brûlant les lettres et détruisant le portrait de mon père » (96/137). Le problème serait simple si la survie de l’écriture une fois confiée à un support d’extériorisation (le « fragment matérialisé de l’appareil mnésique » qui occupe Freud25) pouvait être renforcée par l’emploi d’une autre moyen de sécurité (pourquoi pas un coffre-fort où l’on pourrait l’oublier en toute quiétude ?). Mais voilà, l’extériorité est d’autant plus menaçante qu’elle est menacée, qu’elle s’ouvre à / de l’intérieur : ce serait de la main de Jekyll que Hyde gribouille et commet des sacrilèges. Et ce qui rend la menace possible et autorise l’indissociabilité de l’intérieur et de l’extérieur tient à la nécessité et à l’impossibilité de l’oubli. Sous la plume de « Jekyll », cela se résume ainsi  : « Mes deux natures possédaient la mémoire en commun. » (89/128)

  3. Que doit être la mémoire pour pouvoir tenir ce rôle, cela n’est pas dit, mais c’est un des nœuds du problème. Lorsque Jekyll, réduit à être Hyde, doit obtenir de Lanyon les produits qui le feront revenir à lui, pour ainsi dire, il se souvient : « Je me suis alors souvenu que de mon personnage [character] originel j’avais retenu une chose : je pouvais utiliser ma propre écriture [I could write my own hand] : et dès que j’avais eu cette étincelle en mon esprit, la route à suivre était éclairée de bout en bout. » (93/133) Oublieuse mémoire du scripteur qui veut voir sa propre écriture (hand) s’ériger en protection alors qu’il a dès le début, à son profit croyait-il, passé la main à son double et que dès lors toute idée de propre s’est envolée. C’est pour éviter les poursuites et la curiosité, en effet, que Hyde aura le droit à un compte en banque et à sa « propre » signature : « lorsqu’en penchant ma propre écriture [my own hand] en arrière j’eus fourni à mon double une signature, je crus être à l’abri du sort » (87/126).

  4. La séparation totale dont rêvait le docteur est bien illusoire. C’est la main velue de Hyde qui écrit une lettre de la main de Jekyll, et c’est Jekyll qui prête main forte à Hyde en cas de coup dur et signe ses actes — laissons l’adjectif possessif à son ambiguïté. Hyde y gagne le moyen de s’infiltrer dans l’écriture de Jekyll. Le résultat est, comme le remarqueront Utterson et son employé, une écriture bizarre, impaire, contrefaite (« an odd hand » 54/86) un peu comme la main de Hyde comparée à celle de Jekyll (88/126). Et c’est toujours par la vue de cette main que se manifeste pour Jekyll le retour de son double. On ne sait donc jamais vraiment qui a la main, qu’elle assassine ou qu’elle écrive.

  5. Il faudrait s’attarder sur tous les emplois littéraux ou figurés du terme hand, qu’il désigne l’organe ou l’écriture. On s’apercevrait de l’impossibilité dans tous les cas à empêcher le glissement métonymique, à empêcher que le désir s'en mêle. On constaterait surtout l’existence d’un conflit irrésolu entre les deux pôles. Il est illustré comiquement dans la forfanterie du policier persuadé de pouvoir rapidement mettre la main au collet de Hyde parce que celui-ci a brûlé son carnet de chèques avant de fuir : « Je le tiens [I have him in my hand]. […] Nous n’avons plus qu’à aller l’attendre à la banque et faire diffuser son signalement [get out the handbills]. » (49-50/81) Rien de plus insaisissable pourtant que Hyde, qui défie toute description et n’existe à la banque que par un jeu d’écriture. Et que dire d’Utterson, le dupe par profession qui en tient pour la fiabilité des écrits olographes, et est enclin jusqu’à la presque dernière extrémité à les certifier, pour se résoudre finalement à accepter que l’écriture n’offre pas de prise et qu’il faut prendre les choses en main, et partir à l’assaut : « Le notaire prit en main cet outil rudimentaire mais de poids [le tisonnier de la cuisine] et le soupesa. “Savez-vous, Poole, dit-il, en levant les yeux, que nous allons nous exposer, vous et moi, à quelque danger ?” » (67/100) Il ne sait guère, le saura-t-il ensuite ?, qu’en termes de saisie, il ne sera plus près de la révélation du mystère que d’être le destinataire de quelques lettres, c’est-à-dire de rien qui ne menace encore de lui glisser entre les doigts.

  6. L’équivoque du terme hand, qui persiste dans le récit de Jekyll, est l’un de ces indices qui suggèrent que si la mémoire contient une écriture (celle du moi) à laquelle le sujet croit pouvoir se raccrocher, l’écriture possède une mémoire qui ne cesse de contredire l’illusion de maîtrise et de présence à soi du sujet de l’écriture. Le signifiant de la saisie (hand) ou de la transmission (to hand down, in, …) est celui de la dissémination (handwriting). La confiance de Jekyll n’en est que plus extravagante. « I could write my own hand », se félicite-t-il. Littéralement : je pouvais écrire ma propre main. La main pour saisir et se ressaisir est produit de l’écriture, elle en est saisie. C’est là tout l’échec de la stratégie de Jekyll. D’un trait de plume, il a voulu se débarrasser (on pourrait dire : write off) du problème de son double malfaisant, comme s’il n’était qu’une part indépendante de lui-même. À la fin, c’est une volumineuse confession qu’il y faudra ; pour paraphraser Derrida : une écriture qui « se constitue une protection, en protection contre soi, contre l’écriture selon laquelle le “sujet” est lui-même menacé en se laissant écrire : en s’exposant26 ». Cela finit par ressembler très fort au bloc magique freudien et c’est d’autant plus intéressant que Jekyll entendait à l’origine en sens inverse viser une séparation radicale.

  7. Freud, dans « Note sur le “Bloc-notes” magique », est à la recherche d’une analogie matérielle qui permette de représenter le fonctionnement de l’appareil mnésique, dans sa double capacité de réceptivité sans cesse renouvelée et de durabilité des traces. Imaginer que Jekyll et Hyde mènent des vies entièrement séparées, sans laisser de traces de l’une dans l’autre est à  l’opposé de cette représentation. La logique cet appareil est binaire a priori, une logique de l’ON/OFF. S’agit-il de tromper l’ennui d’une vie de notable ? « Je n’avais qu’à boire le breuvage pour d’un seul coup me défaire [doff : do off] du corps du professeur réputé et endosser [assume, mais on pourrait aussi dire don : do on], tel un manteau épais, celui d’Edward Hyde » (85-86/123). Jekyll ou Hyde : la formule est sans ambages, à ceci près que ce n’est pas tout à fait Hyde qui prend la place de Jekyll ni l’inverse, mais que c’est « je » qui sert à chacun de porte-manteau. Dans ce « je » d’écriture, sans lequel aucune confession n’est pensable, l’effacement œuvre à même l’inscription et « la simplicité ponctuelle du sujet classique27 » s’évanouit.

  8. Cela se comprenait dans l’énoncé dont nous sommes partis. L’originarité du sujet (« my original character ») ne peut se soutenir (que) de l’écriture. Le sujet se rêve plus originaire que l’écriture, il s’en souvient comme de quelque chose à sa disposition pour garantir ce qu’il a en propre (« my own hand »), mais il est en même temps un character de l’écriture : personnage mais aussi caractère typographique (« I »), tout sauf un sujet souverain. C’est ainsi qu’un énoncé comme « je revins à moi chez Lanyon » (94/134) est scandaleux. Non parce que la « réalité » en référence (la brusque transformation de Hyde en Jekyll) l’est, aux yeux de Lanyon en particulier, mais parce que, c’est peut-être là la plus terrible découverte, je ne peut pas dire je. Jekyll (si c’est lui) écrit : « “Il”, dis-je : je ne peux pas dire “je”. » (94/134) Comprendre donc que je ne peut dire je en tant que Hyde, force d’effacement ou de gribouillage, mais je doit dire je en tant que Jekyll dont je est la seule trace. Ce serait là l’image inversée de l’élan qui portait le je / Jekyll vers le je / Hyde, quand il s’y (re)connaissait comme tel, s’y montrait totalement réceptif : « au premier souffle de cette nouvelle vie, je me reconnus [I knew myself] comme plus pervers, dix fois plus pervers, livré en esclavage à ma méchanceté originelle » (84/121) ; « Et pourtant, contemplant cette affreuse idole dans le miroir, je n’avais conscience d’aucune répulsion, mais plutôt d’un élan qui me portait à l’accueillir [a leap of welcome]. Cela aussi, c’était moi. » (84/122)

  9. Pris dans son ensemble, dès lors, le dispositif rappelle ce que Freud voit dans le bloc magique, à savoir une solution au « problème que pose l’union des deux fonctions [réceptivité et durabilité illimitées], en les répartissant entre deux parties constitutives — ou systèmes — distinctes mais reliées l’une à l’autre28 ». Il n’y a pas de séparation sans liaison simultanée, Jekyll et Hyde auront toujours quelque chose en commun. Jekyll appelle cela mémoire, nous l’avons vu, sans s’appesantir sur sa nature. Il évoque également — en parlant de lui à la troisième personne ! — « certains phénomènes de la conscience » partagés avec cette « créature », ce « limon de l’abîme » pourtant capable de pousser des cris et proférer des paroles (95/136). Certains phénomènes de la conscience (lesquels ?), partagés une créature du limon qui possède le langage, absence de répulsion consciente à la venue de son autre, … il semble bien que la mémoire dont il s’agit n’est pas la « faculté » (89/128) classique par laquelle il est possible de se rappeler son nom, ou certains événements, de retrouver la clé d’une porte dérobée, etc. — toutes choses utiles à Jekyll comme à Hyde. La mémoire est partagée, cela veut dire aussi qu’elle n’est pas de part en part consciente. Ainsi un Jekyll repenti jouit d’une belle journée ensoleillée d’hiver à Regent’s Park et sa mémoire se laisse envahir par son côté « animal » — « L’animal en moi léchait les babines de la mémoire. » (93/132) — et c’est le prélude au retour imminent de Hyde, l’oublié ne revenant pas, pour citer Freud, comme souvenir « mais sous forme d’action », le refoulé se traduisant en actes29.

  10. Entre les deux formes de mémoire, donc, entre Jekyll et Hyde, je et je, comme entre les couches du bloc magique, il n’y a « ni contact permanent, ni rupture30 » et le « je », « système de rapport entre [ces] couches31 », est une trace comme « effacement de soi, de sa propre présence32 » : il s’efface comme il s’écrit. Ici, en rapport avec les exemples juste cités, il est important de préciser un point : l’effacement / inscription n’est pas une sublimation ou une symbolisation. Lire Jekyll and Hyde ainsi, c’est ne pas envisager l’écriture comme ce qui travaille la représentation, comme la représentation au travail. Voir en Hyde l’animal et l’inconscient est ainsi une lecture tentante, prégnante même. Or il se trouve que la métaphore animale, à l’examen, est assez discrète, le terme animal n’étant d’ailleurs utilisé que deux fois et ses synonymes étant aussi rares. En l’occurrence, lorsqu’il s’agit de décrire Hyde, l’accent est plutôt mis sur l’indescriptible ou l’impossibilité de la description. L’optimisme policier qui compte rapidement mettre la main sur lui en publiant un signalement n’en est que plus comique, les témoins ne s’accordant que sur un point : un sentiment de « difformité inexprimée [unexpressed] » qui les « impressionnait [impress­ed] » à la vue du criminel (50/81).

  11. La coïncidence d’une forte impression et d’une impossible expression est récurrente dans le roman. Même le placide Utterson en fait l’expérience, chez qui Hyde provoque « une impression de difformité en l’absence de toute malformation exprimable [namable] » (40/70). Mettre un nom sur la chose, et sur le dégoût et la haine qu’elle suscite, bref traduire l’inexprimable, voilà l’objet de la quête du notaire, qui le mènera aux deux textes olographes de Lanyon et de Jekyll. Ces textes sont-ils pour autant les traductions ou révélations attendues ? Utterson ne nous en dira rien, mais on peut constater qu’ils sont parcourus de la même tension irrésolue entre impression et (in)exprimé, à quoi Jekyll renvoie lorsqu’il s’horrifie que le limon de l’abîme ait accès à la parole. La traduction de son expérience en un exposé complet n’est pas sans doute en conséquence plus concevable. C’est ce que suggère le dénouement de l’histoire, sur le seuil de la porte du cabinet de Jekyll, entre une scène de lecture devenue frénétique et une scène d’écriture à tiroirs. Tandis que les coups de hache pleuvent, un cri « de terreur animale » (première et avant-dernière occurrence du terme « animal », 69/103) se fait entendre, mais d’animal point, une fois la porte abattue : à sa place, un lot de textes en héritage. Entre le cri « strident et lugubre » et le récit du « malheureux » Jekyll, quel rapport de traduction peut-on envisager ?

  12. La situation est comparable à ce qui advient dans la première scène d’écriture du roman. Enfield, « lointain parent » d'Utterson, et toutes les personnes présentes sur les lieux où Hyde a renversé une fillette découvrent en eux un sentiment de haine envers ce personnage indescriptible, qu’ils transforment en exigence de réparation financière. À quoi Hyde répond « Name your figure » (« Votre prix sera le mien », 32/59) avant de revenir avec un chèque signé de la main de Jekyll. Un nom est ainsi bien donné à l’inexprimable, mais c’est un nom qui ne nomme rien ou faussement (on soupçonnera tout de suite un document « apocryphe »). La traduction si elle existe achète un certain silence, ou encore : elle est figurale.

  13. De ce point de vue, répétons-le, la confession de Jekyll n’est pas la révélation attendue. Elle n’est d’ailleurs pas moins une quête, une lecture que celle d’Utterson dont elle n’est séparable que par artifice interprétatif. Elle témoigne plutôt qu’il reste toujours de l’intraduisible, terme qui nous est en fait soufflé par Derrida commentant Freud. Freud insiste sur le fait qu’il n’y a pas de transcription du rêve, de l’inconscient dans une écriture dérivée. « [L’]écriture psychique ne se prête pas à une traduction33. » À suivre Derrida, on est tentés de déduire que cette même idée de non-transcriptibilité est indissociable du recours à « une métaphorique de la trace écrite34 » qui travaille la pensée freudienne depuis « L’Esquisse », comme tentative de traduction d’une intraductibilité. C’est le dernier parallèle que je soulèverai brièvement en guise de conclusion.

  14. Il est intéressant à cet égard de noter que Freud, en quelques paragraphes de conclusion, va discréditer l’analogie longuement élaborée (« il faut bien qu’en un point [irgendwo] cesse l’analogie35 ») et malgré tout « avouer » qu’il est enclin (« Ich gestehe aber, daß ich geneigt bin ») à la pousser plus loin et propose un usage inédit du bloc magique : l’écriture à deux mains. Nous sommes au bord du littéraire — voire du fantastique —, comme souvent lorsque la science freudienne doit marquer le pas, ou effectuer un pas en arrière sur les traces des poètes qui l’ont précédé — ou, ici, vers l’analogie tout juste dévalorisée. Écriture penchée (geneigt, sloped), en arrière (rückwärts, backward), selon la pente de l’imagination théorique.

  15. Suis-je en train de suggérer que la littérature, et plus particulièrement le roman de Stevenson, est une ardoise magique plus satisfaisante que l’appareil d’écriture choisi par Freud parce que d’emblée bien plus complexe ? Je proposerais plutôt de placer le recours à la littérature chez Freud sur un plan comparable à cette recherche d’une analogie jamais parfaite, qui doit bien mais ne peut pas s’arrêter quelque part. D’où la fécondité de l’approche psychanalytique des textes littéraires, si l’on reste sensible, comme la déconstruction derridienne nous y invite, à la « métaphorique de l’écriture » qui est au travail, dans la théorie freudienne, dans le rapport même à l’œuvre littéraire — scène d’écriture contre scène d’écriture. Dès lors, toute lecture de Jekyll and Hyde comme anticipation de la psychanalyse — qui n’aurait plus alors qu’à le (re)traduire dans ses termes — s’écrirait sur une scène désertée et par la fiction et par la psychanalyse.

Bibliographie

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1 Sujet du colloque à l'origine de ce texte (Psychanalyse et déconstruction. Paris, 6-7-8 juin 2013.)

2 J. Derrida, « La Scène de l’écriture », 293.

3 Ibid., 338.

4 Ibid., 337.

5 R. L. Stevenson, The Strange Case of Dr. Jekyll and Mr. Hyde. La pagination entre parenthèses renvoie à l’original en anglais, suivie de la pagination dans la traduction française, éventuellement modifiée par mes soins.

6 En 2005, B. D’Amato, dans « Jekyll and Hyde: A Literary Forerunner to Freud’s Discovery of the Unconscious », va même jusqu’à comparer le roman et L’Interprétation des rêves pour leur exploration du lien entre l’inconscient d’un auteur et son œuvre.

7 Telle la Revue scientifique où, dans les années 1870, il a pu suivre les articles d’Eugène Azam sur son patient Félida X., source souvent citée. (A. Stiles, « Robert Louis Stevenson's “Jekyll and Hyde” and the Double Brain », 880).

8 « Multiplex Personality », selon son ami F. Myers (A. Stiles,  « Robert Louis Stevenson's “Jekyll and Hyde” and the Double Brain », 880)

9 Intérêt dont témoignent nombre de ses essais, tels que : « A Gossip on Romance » (« À bâtons rompus sur le roman »), « Child’s Play » (« Jeu d'enfant »), « A Chapter on Dreams » (« Un chapitre sur les rêves ») — R. L. Stevenson, R. L. Stevenson on Fiction). Intérêt, également, inséparable de sa conception de la création littéraire.

10 M. Davis, « Incongruous Compounds », 207.

11 A. Stiles, op. cit., 881.

12 Ibid.

13 Une étude approfondie montrerait la duplicité du personnage, à la fois double de Jekyll et de Hyde. Nous ne pouvons nous y attarder ici.

14 Cf. « Le désir de savoir, j'ai failli écrire le désir de viande, n'est pas aussi profond que cette exigence de péripéties bien venues et saisissantes. » (R. L. Stevenson, « A Gossip on Romance », 54-56).

15 Conjonction non exempte de paradoxes : comme le fait que l’action n’aboutit qu’à retrouver une position de lecture (des deux testaments) et qu’une lecture anticipée (de la lettre de Lanyon) aurait pu modifier le cours des choses — empêcher peut-être la mort ou la disparition de Jekyll, qui était la condition pour que la lettre soit ouverte. On soulignera là le double statut du secret (et de la parole donnée) dans le récit : aiguillon et agent de refoulement.

16 J. Carroy, Les Personnalités doubles et multiples, xv. (Je souligne).

17 Ibid., 147-194. Binet avait, plus qu’Utterson, une passion pour le théâtre qui le conduira, au début du xxème à écrire des pièces pour le Grand-Guignol.

18 Celui qui profère ou énonce (utters) mais aussi fils de l'énonciation, fils de l'écriture qui n'a plus de père.

19 Voir R. Pedot, Le Seuil de la fiction, chap. III, en particulier, 65-68.

20 J. Derrida, Positions, 57-58.

21 S. Freud, Considération actuelle sur la guerre et la mort, 287, 305.

22 J. Derrida, « La Scène de l’écriture », 334.

23 S. Freud, « Note sur le “Bloc-notes magique” », 124.

24 J. Derrida, « La Scène de l’écriture », 338.

25 S. Freud, « Note », 119.

26 J. Derrida, « La Scène de l’écriture », 331.

27 Ibid., 335.

28 S. Freud, « Note », 122.

29 S. Freud, « Remémoration, répétition, perlaboration », 108. La Technique psychanalytique.

30 J. Derrida, « La Scène de l’écriture », 335.

31 Ibid.

32 Ibid., 339.

33 J. Derrida, « La Scène de l'écriture », 316.

34 Ibid., 297.

35 Ibid., 123.



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