Hölderlin lecteur: De Man avant Derrida

Cynthia Chase

Résumé


La spécificité du genre de la Déconstruction opérée par Paul de Man trouve sa raison dans une lecture centrée sur—et modelée par—des textes de Friedrich Hölderlin. C’est la façon de lire d’un Hölderlin qui a su lire Jean-Jacques Rousseau que de Man prend comme son modèle implicite pour la pratique de « rhetorical reading ». De Man prend chez Hölderlin l’interprétation de Rousseau qui le fait différer avec Jacques Derrida au sujet de la déconstruction de Rousseau dans De la grammatologie : dans « Rhétorique de la cécité» (1970) de Man affirme que l’Essai sur l’origine des langues atteste la lucidité de Rousseau sur la question du langage et de l’écriture. Dans « Hölderlin and the Romantic Tradition » (1959) et « L’image de Rousseau dans la poésie de Hölderlin » (1965), de Man fait ressortir de « Der Rhein » une interprétation de Rousseau mettant en valeur la Cinquième Promenade des Rêveries du promeneur solitaire. Il retiendra, pour l’essentiel, cette interprétation dans « The Rhetoric of Temporality » (1969) et Allégories de la lecture (1979) et elle orientera son travail sur les romantiques anglais. Sa pratique de lecture se laisse voir déjà dans un essai de 1956 lorsque de Man analyse le texte où Hölderlin explique sa manière de traduire l’Antigone de Sophocle. De Man achève son interprétation d’un « Rousseau aussi occidental qu’Antigone est grecque » grâce à une lecture, imprévisible, des vers où Antigone se compare à Niobé.

The specificity of the kind of Deconstruction one finds in the work of Paul de Man derives from a reading centered on—and modeled upon—texts of Friedrich Hölderlin. The model for de Man’s practice of “rhetorical reading” is the reading practice of a Hölderlin who has known how to read Jean-Jacques Rousseau. De Man derives from Hölderlin the interpretation of Rousseau that impels him to disagree with Jacques Derrida about the deconstruction of Rousseau in De la grammatologie: in “Rhetoric of Blindess” (1970) de Man affirms that the Essay on the origin of languages attests Rousseau’s lucidity on the question of language and writing. In “Hölderlin and the Romantic Tradition” (1959) and “The Image of Rousseau in the Poetry of Hölderlin” (1965), de Man discovers in “Der Rhein” an interpretation of Rousseau emphasizing the significance of the Fifth Promenade in the Rêveries du promeneur solitaire. Essentially this interpretation is retained in “The Rhetoric of Temporality” (1969) and Allegories of Reading (1979) and orients de Man’s work on Romanticism (The Rhetoric of Romanticism, 1983). De Man’s distinctive way of reading appears already in an essay of 1956 (“Le devenir, la poésie”) where he analyses the text in which Hölderlin explains his way of translating Sophocles’ Antigone. De Man completes his interpretation of a “Rousseau as occidental as Antigone is Greek” thanks to an unpredictable reading of Antigone’s lines comparing herself to Niobe.

 


Mots-clés


De Man, Paul; Derrida, Jacques; Romantisme; Hölderlin, Friedrich; Antigone; Traduction; Lecture

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